Gabrielle regarda à travers la vitre et jugea du temps qu'il faisait au dehors. Elle fit une moue évidente lorsqu'elle avisa le givre présent sur toute la nature environnante.

*Mouais, pensa-t-elle, il a fallu que la seule ville qui peut m'apporter ce dont j'ai besoin soit dans la région la plus froide du Pays ?!*

Elle décida de rajouter par-dessus sa tenue une de ses polaires nouvellement acquises. Ayant vécue quasiment toute sa vie dans le désert de Kennewick elle était habituée à des températures plus clémentes en hivers et de façon quasi permanente à un air chaud et sec. L'hiver de Blackood Mountain était donc particulièrement glacial pour elle. Et même son coyote n'appréciait pas vraiment.

Cependant elle préférait aller affronter le froid de l'hiver pour courir un peu plutôt que passer ses journées enfermée.

*Faire du sport me réchauffera, se répétait-elle en boucle*

Mais plus que cela, elle avait besoin de sortir en plein air au moins une fois par jour. C'était cette partie d'elle, sauvage et animal, qui le réclamait. Et elle s'y pliait de bonne grâce aimant de toute façon sortir en plein air. Même si le climat environnant avait de quoi la rebutée quelque peu.

Elle resserra les lacets de ses chaussures ainsi que sa queue de cheval et finit par prendre son sac à dos qui l'attendait sagement près de la porte d'entrée. La jeune femme sortit de chez elle prenant soin de fermer la porte à clé avant de descendre l'escalier quelque peu souffrant et finit dans le hall du vieil immeuble. Une fois dehors l'air glacial de dehors la saisie la faisant grelotter. Gabrielle mit rapidement ses gants.

Bien qu'elle ait pris le temps avant de quitter l'appartement de faire quelques échauffements, la brune commença sa balade ou plutôt sa course par de petites foulés en direction de la forêt. Elle voulait pouvoir profiter de la nature bien que celle-ci lui paraissait légèrement hostile.

Bientôt elle accéléra le pas mais ne monta pas à son allure de croisière habituelle.

*Manquerait plus que je me perde ou me prenne les pieds dans une racine, se disait-elle*

Malgré tout, Gabrielle se laissait aller à ce qui l'entourait. Son animal aimant cette proximité avec la nature. Et elle avait appris à l'aimer aussi. A vrai dire depuis qu'elle avait acquis cette capacité à se changer en coyote elle raisonnait souvent avec le côté animal de sa personnalité. Il faisait désormais partie d'elle bien qu'elle n'en connaissait pas toute l‘ampleur. Un mystère qui définissait sa vie et qu'elle espérait en venant ici pouvoir éclaircir même de façon minime. Mais cela seul l'avenir lui dirait.

Plus la jeune femme avançait et plus elle se replongeait dans les souvenirs de sa vie dans le désert des Trie-Cities. Là il lui était agréable de vagabonder sous sa forme de coyote, l'environnement lui était alors propice. Cela lui manquait même si elle avait fui cette partie de sa vie pour tenter de se reconstruire.

Loin dans ses réflexions la brune ne fit pas attention et ce fut un caillou qui la remit sur le chemin de la raison. Et pas de manière très plaisant puisque sans trop savoir comment elle dégringola le sentier pentu. Elle ne fit que quelques roulés boulés, pour finir par se cogner la tête contre une petite pierre au sol. Oh rien de bien grave juste de quoi l'écorcher à l'arcade sourcilière.

*Plus de peur que de mal, gémit-elle, cela m'apprendra à rester concentrer*

La chute entraîna cependant malgré elle une montée d'adrénaline. Gabrielle du se concentrer un instant pour conserver toute sa lucidité et ne pas laisser le pas à l'animal. Pour l'instant elle y arrivait. Elle put se redresser et se mit assise, se déplaçant jusqu'à une souche d'arbre contre laquelle elle s'appuya. Levant la tête vers le ciel elle souffla. Le coyote persistait à vouloir sortir et elle savait qu'elle n'avait pas assez d'expérience pour le contenir. L'américaine décida de lui donner satisfaction.

*Comme ça je pourrais espérer reprendre plus facilement le contrôle par la suite et puis ça me dégourdira les pattes. De toute façon je ne pense pas croiser beaucoup de monde. Au pire je n'ai qu'à planquer mes affaires*

Sur ces bonnes résolutions Gabrielle entrepris de se dévêtir malgré le froid mordant de l'hiver. Elle fit au plus vite cacha ses vêtements dans un bosquet et engagea la transformation. Pour une fois celle-ci ne fut pas trop compliquée l'animal étant déjà prêt en elle.

La transformation avait déjà commencée. Sa conscience humaine s'était écartée pour laisser le champ libre au coyote. Son corps avait engagé le changement. Mais concentrer sur cette étape elle ne faisait plus attention aux alentours, à vrai dire même son instinct était tourné vers l'opération. Aussi fut-elle surprise d'entendre quelqu'un l'a salué tout près d'elle. Sa conscience humaine prit peur et c'est dans un sursaut elle se tourna vers une femme. Son côté animal quant à lui réagit à cette peur amorça un mouvement en retrait tout en montrant les dents et la faisant grogner sur son interlocutrice.

Gabrielle se battit pour reprendre les rênes de son corps. C'était cependant très difficile, elle n'avait jamais eu jusque-là à le faire. La plupart du temps elle était seule face à ce phénomène et la seule personne qui avait été un jour au courant de ce fait n'était plus là.

« Qu'est-ce que vous faites ici ? Partez ! » Dit-elle légèrement hargneuse. Elle n'était d'ordinaire pas très douée pour la cordialité mais dans ce contexte précis c'était pire.

Néanmoins elle n'eut pas la chance d'entendre la réponse que déjà le coyote ce rappelait à elle. La transformation étant en cours il exigeait son dû. Elle ne lui avait jamais refusé un changement ainsi. Elle ne savait comment désamorcer le processus et faire marche arrière.

Elle dût courber l'échine devant une vague de douleur. Elle émit un bruit a mis chemin entre un gémissement et un jappement. Et au comble de l'horreur la jeune femme ne put rien faire pour empêcher ses os de se briser. Le coyote finit par prendre sa place.

Sa partie humaine était terrifiée à l'idée de montrer cette capacité d'elle-même à une parfaite inconnue. Mais son animal avait pris le pas et malgré la peur de l'humaine le coyote par instinct huma l'air. Gabrielle se rendit alors compte que son odeur était comme différente des humains, davantage animal. Toutefois sa peur restait forte et le coyote face à cela restait aux aguets près à fuir le danger. Gabrielle lança un message d'avertissement à la femme en face d'elle, grognant légèrement pour la dissuader de faire quoi que ce soit.

Le coyote fixait à présent la jeune femme. Celle-ci avait fait un pas en arrière. Gabrielle pouvait comprendre son geste, ce n’était pas tous les jours que l’on devait voir une personne se transformer en animal sous ses yeux. Pourtant elle lui assura ne pas avoir peur. Et puis elle ferma les yeux et lorsqu’elle les rouvrit ceux-ci étaient rouges et elle grogna elle aussi. Le doute s’insinua chez Gabrielle. Se pouvait-il qu’elle ne soit en réalité pas seule à avoir des capacités surnaturelles ? Elle l’avait espéré en arrivant ici mais n’y croyait pas vraiment, ou plutôt elle se refusait de le croire par peur.

Soudain son interlocutrice changea pour devenir une magnifique louve aux yeux rouge. Plus grande et plus imposante qu’elle-même, la louve était clairement une dominante. Le coyote le comprenait bien mieux que l’humaine.

Gabrielle resta ébahit. Elle n’était plus seule ! Puis vint le soulagement mêlé à de la joie à tel point qu’elle osa s’approcher d’elle. Comme pour vérifier qu’elle ne rêvait pas. Les oreilles rabattues vers l’arrière elle restait néanmoins à l’affut d’un mouvement hostile ne sachant pas quelle pouvait être la réaction de l’animal en face d’elle.

A présent Gabrielle avait beaucoup de questions qui se bousculaient dans sa tête. Elle comptait bien avoir des réponses et pour cela elle devait parler à la femme. Elle devait donc réussir à reprendre forme humaine. Elle ferma donc les yeux et se concentra pour reprendre le pas sur l’animal. Elle dut batailler avec lui. Elle réussit néanmoins assez rapidement le coyote avait visiblement compris qu’il devait laisser l’humaine reprendre les rênes. Bientôt elle reprit sa forme bipède.

Le froid mordant de l’hiver se rappela à elle. Gabrielle tout en gardant les yeux rivés sur la louve récupéra ses affaires et se rhabilla prestement. Elle avait peur de voir la louve disparaitre et de n’avoir finalement fait que rêver ce moment. Puis elle revint vers l’animal.

« Tu… je… enfin j’ai… j’ai toujours pensé être la seule… Jamais je n’avais rencontré quelqu’un ayant le même don que moi. » Elle fit un sourire légèrement crispée. « Je pense que je vais avoir beaucoup de questions à te poser si tu le veux bien… » Fini-t-elle hésitante.

La louve finit elle aussi par redevenir humaine. Elle aussi devait subir le froid mordant puisqu’elle se rhabilla tout aussi vite. Mais contrairement à Gabrielle la femme semblait mieux maîtriser son côté animal. Peut-être avait-elle bien plus d’expérience.

Loin d’être la seule disait-elle ? A cette penser un léger sourire vint fleurir au coin de ses lèvres. Cela lui réchauffait le cœur. Emily donc avait l’air de bien vouloir l’aider. Elle sentait comme un soulagement en elle. Comme si son fardeau devenait tout à coup moins difficile à porter. Elle ne serait plus seule désormais. Peut-être pourrait-elle véritablement avancer à présent. Peut-être qu’elle avait enfin trouvé une personne avec qui partager son secret. Quelqu’un qui la comprendrait au moins un peu. Bon certes Gabrielle devrait faire un peu des efforts niveau sociabilité mais elle avait tellement rêvé de rencontrer d’autres personne comme elle qu’elle était prête à faire ce qu’il fallait pour que cela marche

« Je m’appelle Gabrielle » fut la première chose qu’elle répondit. Elle n’était pas très douée pour se faire des amis mais commencer par se présenter paraissait bien d’autant plus que la femme avait fait de même.

« Moi non plus je n’avais pas de but en venant ici… mais à l’évidence le hasard fait bien les choses. En tout cas pour cette fois » Elle eut un rire légèrement cynique à ses propres paroles. « Désolé, reprit-elle, j’ai tendance à m’égarer… C’est tellement incroyable… Je ne sais même pas par où commencer… Mais peut être devrions nous trouver un endroit au chaud pour discuter ? Ou au moins discuté en marchand… je supporte pas très bien le froid… » Finit-elle dans une moue contrite.

Pour sûr qu’elle avait beaucoup de questions. Elle s’en posait depuis tellement d’année qu’elle était venue à cesser d’espérer trouver un jour des réponses. Elle avait fini par accepter de peut-être ne jamais rien trouver sur sa condition. Et puis voilà qu’un miracle se produisait en la personne d’Emily. Elle se disait que finalement elle avait eu raison de partir de ce qui avait été pendant si longtemps sa maison.

Gabrielle eu cependant un regard sceptique en direction de la femme : parler de son histoire ?

* Mouais je ne suis pas trop douée pour parler de moi, se dit-elle intérieurement. Mais peut être peut-on faire un effort après tout si je veux en apprendre plus sur moi-même va bien falloir faire des concessions…*

Emily parla d’une maison où s’abriter. Elle eut envie de la bénir surtout si elles pourraient allumer un feu et se réchauffer. Elle était frigorifiée. Elle reprit donc son sac à dos et lui emboîta le pas. Tant pis si c’était loin, marcher et parler la distraira.

Ce qu’elle savait ? La brune eut envie de rire.

« C’est simple, commença-t-elle, je ne sais absolument rien. C’est pour cela que je suis partie de chez moi. Je voulais essayer de comprendre ce que j’étais. Les seules informations –si on peut appeler ça comme ça – que ma mère et moi ayons trouvé ce sont des légendes ou des récits de fiction. Et puis on a abandonné il y a quelques années… ma première transformation remonte à mes 15 ans donc il y 8 ans… Je ne sais pas si ça aide… »

Elle hésita à en dire plus. Elle se concentra un peu sur l’endroit où elle mettait ses pieds et pas recommencer l’expérience de tout à l’heure. D’ailleurs elle passa sa main sur son arcade sourcilière  et sentie qu’une croute c’était formé là où le sang avait coagulé. Il faudrait qu’elle désinfecte tout ça plus tard.

Puis elle se souvint de sa dernière remarque.

« Tu es une Alpha ? Tu veux dire que tu as une… meute ? Ça fonctionne comment une meute ? Personnellement j’ai senti tout à l’heure que tu étais dominante mais de là à dire que t’étais une Alpha… et ça m’inquiète pas plus que cela je suppose que c’est dans la nature des choses. Je n’ai pas spécialement eu de mal avec ça sous ma forme coyote. »

Emily avait l’air enjoué de pouvoir tout lui apprendre. Cela arrangeait dans un certain sens Gabrielle. Elle avait enfin quelqu’un pour l’a guidé et l’a renseigné sur sa condition. Les questions ne l’a dérangerait pas tant que cela n’était pas trop personnelle et pour peu qu’elle connaisse la réponse…

« Parce qu’il existe plusieurs manière de devenir … un quoi ?... garou ? La surprise dû se lire sur son visage. Elle secoua la tête. Désolé mais je te l’ai dit je sais absolument rien sur moi-même. Je n’ai pourtant aucun souvenir de mettre fait mordre ou griffée par un coyote. Je suppose donc être coyote de naissance. Cela a-t-il beaucoup d’importance ? »

Son arcade sourcilière était presque cicatrisée disait-elle. Elle cessa donc d’y toucher. La brune avait toujours été surprise par les capacités qu’avait entraîné son côté animal dont faisait partie une guérison accélérée. Mais ça lui avait déjà pas mal rendue service par le passé alors elle appréciait ces avantages.

Emily avait donc une meute peut être en ferait-elle partie même si elle ne ressentait pas le besoin d’appartenir à une meute. Gabrielle se sentirait peut-être moins seule ainsi même si on ne pouvait pas vraiment dire que la vie en société ou en meute soit vraiment faite pour elle. Elle ferait néanmoins des efforts si jamais c'était le cas.

Elle l’a renseigna un peu sur la composition d’une meute ou tout du moins des rangs existant au sein d’une meute.

« Je ne penses pas être Alpha. Je ne pense pas avoir été transformée et je n’ai jamais rencontré de meute et donc je n’ai pas choisi d’Alpha. Je suis quoi alors d’après toi ? Une Oméga de par mon statut de solitaire ? Je ne pense pas être faible pourtant… »

Si Emily était une Alpha, de laquelle des deux manières y était-elle arrivée ? Gabrielle était curieuse mais elle n’osa pas posée la question. Après tout elle ne se connaissait pas encore assez  et la question aurait été plutôt personnelle. Elle-même n’était pas sûre de vouloir répondre si c’était à elle que l’on aurait posé la question. Alors elle ne dit rien. Elle se contenta d’acquiescer lorsqu’elle l’a mis en garde contre les autres Alphas.

« Je serai prudente si jamais je croise d’autres Alphas.»

Elle n’avait rencontré qu’Emily pour le moment et même si elle avait ressenti sa dominance elle n’avait pas ressenti le devoir de se soumettre. Était-ce lié à la puissance de l’Alpha et/ou du Bêta ou de l’Oméga, à l’appartenance à sa meute, ou autre chose encore ? Beaucoup trop de choses tournaient dans sa tête. Elle avait peur de finir par mitrailler de questions la louve. Elle s’abstint portant de tous commentaires. Pour le moment du moins.

Elles arrivèrent à la fameuse maison. Gabrielle suivit Emily à l’intérieur. Elle lui parla des chasseurs.

*Hein ? Quoi ? Comment ça des chasseurs ?* Elle en eut la chair de poule.

« Tu veux dire que les être comme nous sont traqués et ensuite tués par ces chasseurs ? » L’idée mis son côté animal en rogne. De colère elle faillit grogner mais elle se retint à temps.

*Donc être coyote cela peut être dans les gênes… Intéressant…* pensa la jeune femme. Elle se sentait néanmoins très idiote en comparaison d’Emily. Elle ne savait vraiment rien comprit-elle et elle n’avait qu’une envie c’était d’en apprendre le plus possible pour enfin sortir de cette ignorance handicapante.

« Alors cela doit probablement venir de mon père, puisque ma mère n’était en aucun cas coyote. Mais je suppose que je n’aurais pas vraiment de confirmation. Je n’ai jamais connue mon père. » Elle eut une sourire amère. Finalement sa mère avait eu tort de ne jamais lui parler de son père et de ne pas mettre celui-ci au courant qu’il avait une fille. Elle aurait pu ainsi avoir une chance de savoir ce qu’elle était. Peut-être aurait-il pu l’aider qui sait ? Elle secoua la tête et se concentra à nouveau sur Emily. « Je suis donc susceptible de transmettre à mon tour le gène si je comprends bien. C’est bon à savoir… »

Bien au moins on lui confirmait qu’elle n’était pas trop nul en tant que coyote à défaut d’avoir des connaissances elle pouvait espérer avoir du potentiel. Il faudrait néanmoins rattraper ses lacunes et s’améliorer.

« Donc si j’ai bien compris je suis une Oméga de par mon statut de solitaire c’est ça ? Elle enchaîna. Quand tu dis qu’un Oméga qui a des yeux jaunes signifie qu’il a déjà tué, tu veux dire avoir déjà tué un humain, cela peut aussi désigner un animal que l’on a tué lorsque d’une chasse par exemple ? »

La question vue comme ça pouvait paraitre idiote, et surement l’était-elle, mais elle avait besoin de savoir un maximum d’informations. Et puis valait mieux paraitre idiote durant quelques secondes plutôt que de rester plus longtemps dans l’ignorance. Elle l’avait été bien assez de temps.

« Je suppose que tu as raison lorsque tu dis que ni la peur ou la colère y peuvent quelque chose… soupirât-elle, mais l’idée n’en reste pas moins révoltante… et je veux apprendre tout cela. J’en ai rêvé depuis tellement longtemps. C’était frustrant mais en même temps je n’y pouvais rien je n’avais pas accès à ses informations. Et aujourd’hui j’ai la chance de t’avoir rencontré alors oui je veux apprendre tout ce que je pourrais. Je ne tiens pas à rester dans l’ignorance. » Gabrielle avait toujours été déterminée. Elle était prête à donner beaucoup pour cela. Elle progresserait elle se le promettait.